Une nouvelle ère pour un système éducatif plus performant

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Le Sénégal a fait de l’éducation une priorité et ce, en tenant compte entre autres des différentes réformes qui se sont succédées à travers l’évolution de notre système éducatif et voire nos sociétés en perspective. En votant la loi d’orientation 91-22 du -16 février 1991, notre pays avait pris des options sérieuses de mettre l’éducation nationale au cœur des préoccupations. Les plus hautes Autorités, en procédant à des réformes telles que les Etats généraux de l’Education et de la Formation (EGEF, 1981), en passant par le Programme Décennal de l’Education et de la Formation (PDEF, 2000-2011), le Projet d’Amélioration de la Qualité, de l’Equité et de la Transparence pour le secteur de l’Education et de la Formation (PAQUET/EF) qui sont des cadres d’opérationnalisation des Lettres de Politique générale pour le secteur de l’Éducation et de la Formation (LPGS EF) avaient une volonté politique de faire de notre système un levier stratégique pour le Développement économique et social. …Mais aussi en injectant dans le secteur autour de 6% du PIB.
Cependant, force est de reconnaitre que lorsque l’on met en rapport les objectifs et les résultats (en termes d’accès, d’équité, de qualité des apprentissages, de stabilité…) l’efficacité de notre système éducatif reste relativement faible. Quant à son efficience, la comparaison des ressources mobilisées, les actions entreprises et les résultats attendus, montre qu’il y a du chemin à faire. Ceci ressort clairement de l’analyse du Rapport National sur la Situation de l’Education (RNSE 2022) où l’on remarque clairement que le taux d’achèvement à l’Elémentaire n’atteint pas les 64% même s’il a connu une évolution en dents de scie, passant de 61,2% à 63,2% entre la période allant de 2017 à 2022. De même, le taux de transition du moyen vers le secondaire n’était que de 64% en 2021. Pour l’enseignement secondaire le même document révèle un taux brut de scolarisation de 33,7%. Vous conviendrez que pour un système dont l’ambition est de garantir à chaque enfant une éducation de qualité, des efforts restent à consentir.
Selon la loi 2004-37 du 3 décembre 2004 qui modifie et complète la loi d’orientation de l’Education nationale 91–22 du 16 février 1991. En son article premier : Il est ajouté, après l’article 3 de la loi d’orientation de l’Education n°91-22 du 16 février 1991, l’article suivant :
« Article 3 bis : la scolarité est obligatoire pour tous les enfants des deux sexes âgés de 6 ans à 16 ans. L’Etat a l’obligation de maintenir, au sein du système scolaire, les enfants âgés de 6 à 16 ans.
Au-delà de cette volonté de démocratiser l’accès à l’école, la réussite pour chaque élève a été stipulée dans la Loi 91-22 du 16 février 1991 d’orientation de l’éducation nationale dans ces principes généraux en son Article 5 en disant ceci:
L’éducation nationale est démocratique : elle donne à tous des chances égales de réussite. Elle s’inspire du droit reconnu à tout être humain de recevoir l’instruction et la formation correspondant à ses aptitudes, sans discrimination de sexe, d’origine sociale ou de race, d’ethnie, de religion ou de nationalité.
Au stade actuel de l’évolution de notre système éducatif, ces ambitions de démocratisation de l’accès, de l’équité et la prise en charge des personnes vivant avec un handicap, des besoins spécifiques des filles, mais aussi de réussite pour tous, ne sont pas suffisamment prises en compte tant du point formation, équipements que des ressources humaines et financières.
Au regard du déphasage entre les objectifs fixés dans les textes et le factuel, la question qu’on se pose est de savoir : quelles réformes pour un système éducatif plus performant ?
Avec l’avènement de la deuxième alternance, Les nouvelles autorités du pays ont élaboré un plan stratégique de développement Sénégal horizon 2050 qui est UN AGENDA NATIONAL DE TRANSFORMATION, il constitue un cadre référentiel des politiques publiques ,autrement dit, l’ensemble des actions coordonnées qui doivent être mises en œuvre avec pour objectifs d’obtenir un changement positif des situations d’insatisfaction à l’horizon 2050. Il est composé de quatre axes stratégiques dont l’Axe 2 prend en charge les différentes innovations dans le système éducatif notamment l’introduction des daara, de l’anglais, le renforcement de l’éducation des enfants et jeunes handicapes etc
Pour le secteur de l’éducation, la vision de l’Etat est de faire évoluer notre système éducatif vers une société éducative inclusive et efficiente, pour enfin, former à l’horizon 2035, un citoyen bien adossé à son socle endogène de valeurs africaines et spirituelles tout en étant préparé aux défis du développement durable, des sciences et technologies, du numérique et de l’intelligence artificielle. Pour matérialiser cette vision, onze (11) leviers stratégiques ont été définis et pour opérationnaliser ces leviers, le ministère de ‘éducation nationale a retenu un ensemble de chantiers traduits en actions urgentes et chantiers prioritaires à mettre en œuvre. Il apparait clairement une volonté nette de reformer le système éducatif. Et cela il faut s’en réjouir. Car de l’indépendance à nos jours, l’insatisfaction de la contreperformance nous a habité.
Eu égard de cela, il faudrait nécessairement, à notre humble avis, des réformes majeures mais aussi une réorganisation du ministère pour relever le défi de la performance en ce sens qu’il est l’institution publique en charge de la mise en œuvre de la politique publique concernant le secteur de l’éducation.
L’organigramme actuel était déjà en déphasage avec la loi d’orientation 91-22 surtout en ce qui concerne le cycle fondamental, il ne permet pas aussi de performer comme souhaité dans les textes. C’est pour cette raison qu’on a une ferme conviction qu’une réorganisation du ministère de l’éducation nationale qui prendra en compte des innovations majeures nous permettrait d’assurer la réussite pour tous.
La réussite pour chaque élève, une volonté politique toujours affichée par les autorités, est bien possible, si nous partons du principe de l’éducabilité de toute nature, Benjamin Bloom en 1968 a développé une stratégie pédagogique dénommée la pédagogie de (la) maîtrise, c’est une stratégie qui repose sur l’hypothèse que tout apprenant peut arriver à une maîtrise totale ou du moins de 85 à 90% des notions et des opérations enseignées si on lui laisse suffisamment de temps et qu’on utilise des moyens adéquats. Inspiré sur les travaux de Caroll (1963), Bloom affirme qu’il n’y a pas de bons ou de mauvais étudiants mais plutôt des étudiants qui apprennent plus rapidement ou plus lentement que les autres. Le degré d’apprentissage dépend du temps laissé pour apprendre et cela varie d’un individu à l’autre. Pour arriver à ces résultats, impérativement il faudrait prendre en compte les pratiques pédagogiques innovantes et les tendances actuelles dans le domaine.
C’est à ce niveau qu’il faut mesurer l’immensité de la responsabilité des acteurs pour faire face aux multiples défis liés à la formation des enseignants, qui vont, en outre faire appel à des réformes ardues de nos curricula de formation, des renforcements des équipements éducatifs et sanitaires dans nos écoles et établissements scolaires.
A titre l’illustration les cours magistraux traditionnellement utilisés dans la majorité des cours du moyen secondaire ont de grandes limites, ils ne s’adressent en effet qu’à une minorité d’élèves et provoquent donc une mise en échec des autres. En ce sens qu’ils ont tendance à privilégier seulement deux formes d’intelligences (langagière et logico- mathématique) mettant ainsi en difficulté de nombreux élèves alors que les études montrent qu’il y a une multitude de formes d’intelligence ce qui doit pousser à revoir les modalités d’enseignement et les préjugés quant aux élèves rencontrant des difficultés.
Pour assurer à chaque apprenant la réussite scolaire, l’enseignant doit permettre à l’apprenant de développer chacune de ces intelligences, et ce, par la mise à sa disposition des supports correspondant à son intelligence dominante, Il doit donc apprendre à diversifier, différencier ses pratiques, établir une « mixité pédagogique » dans son enseignement pour favoriser l’équité, respecter et motiver l’élève. Seul un enseignement différencié, plus porté sur la qualité́ que la quantité́, peut permettre de répondre à la massification du système éducatif… Malheureusement selon la RNSE 2022 moins de 17 % des enseignants exerçant dans le public ont subi en formation continue sur la pédagogie différenciée.
Pour assurer la démocratisation de la réussite scolaire il faudrait nécessairement Former les enseignants à la pédagogie, psychopédagogie et au management.
La plupart des pays ont modifié ou sont en train de modifier les modalités de formation initiale des enseignants (OCDE 2011). De moins en moins fondée sur la discipline et de plus en plus sur la professionnalisation, elle prend mieux en compte les différents aspects du métier : les pratiques pédagogiques, le management, l’enseignement aux élèves handicapés, la capacité à différencier les enseignements (capacités à repérer les élèves en difficulté, diagnostiquer les problèmes rencontrés, trouver rapidement les solutions personnalisées…). Toutes les mesures prises visent à renforcer la formation pédagogique afin de répondre à la diversité des élèves.
Dans cette même vaine de révision de nos pratiques pédagogiques traditionnelles aux résultats limités, nous évoquons, les Technologies de l’information et de la communication qui font partie de notre quotidien avec leurs lots d’avantages : facilité, fluidité́́, rapidité́́, efficacité́́ et transparence, là où il y avait complexité́́ et lenteur, aucun secteur n’est épargné.
L’école ne doit pas ignorer cet état de fait, elle doit plutôt répondre au besoin ardent des enfants d’une société en réseau. Une société dans laquelle l’enseignant n’a plus le monopole du savoir, du fait de la démocratisation de l’accès à l’information. Le défi actuel est de travailler à former les apprenants pour une utilisation beaucoup plus utile, formatrice que ludique et récréative de l’outil numérique. Leur apprendre à lire, écrire et compter avec le numérique, les amener à développer un esprit critique, des compétences pour pouvoir tirer profit de ce foisonnement d’informations sur la toile.
L’impact positif de l’utilisation des supports numériques dans l’éducation ne fait plus débat. Elles motivent l’apprenant, lui donnent la confiance en soi, et l’autonomie, lui permettent l’acquisition de compétences transversales, sociales, cognitives, et favorisent la réussite scolaire et l’égalité́ des chances entre autres.
Et pour que cet impact puisse se réaliser, l’enseignant doit encore une fois quitter ses pratiques pédagogiques traditionnelles basées sur la transmission de savoirs, pour des méthodes « nouvelles », plus actives, de coaching en quelque sorte.
C’est pour cela que le président de la république dit : le numérique et l’intelligence artificielle occupent une place plus importante dans le système éducatif.
On ne peut pas parler d’innovations et de reformes dans le système éducatif sans mettre en lumière ne serait-ce qu’en quelques lignes l’éducation aux valeurs et à la citoyenneté, un levier stratégique du développement de l’humanité et de la citoyenneté de l’élève par l’éducation mais aussi le concept NITHE (Nouvelle Initiative pour la transformation Humaniste de l’Education). Des aspects longtemps relégués au second plan au profit de l’instruction alors que ce qui fait réellement d’une nation au sens social du terme une nation, ce sont les valeurs morales comme le disait le grand poète arabe Ahmad Chawki :
«Innama al oumamou al akhlaqou ma bakiat, fa in houm dhahabat akhlaqouhoum dhahabou.» (Les valeurs morales font les nations, si celles-ci disparaissent celles-là disparaîtront aussi).
Pour confirmer les propos d’Ahmad Cawki, nous allons nous permettre de relater la pertinente analyse du mathématicien islamique Alkhawarizmi dont le nom a été latinisé en algorithme et souvent surnommé le père de l’algèbre, il disait que la valeur cardinale de la morale est égale à un (1), tout autre caractère que l’individu pourra posséder en plus de la morale aura comme valeur cardinale zéro (0). Ceci veut dire que si la personne est d’une bonne moralité et qu’elle soit riche par exemple, elle sera égale à 10 en ce sens qu’on aura un (1) devant zéro (0), si en plus de ces deux qualités, il est beau, on met un autre zéro derrière 10, il vaudra en ce moment 100 ainsi de suite. Si elle perd sa bonne moralité qui a la valeur un(1), il restera juste un ensemble de zéro qui ne signifiera absolument rien, mais lorsqu’il perd tout en gardant sa bonne moralité, il restera un(1) et sera toujours signifiant.
Pour comprendre davantage cela rappelons-nous aussi que «quand les anciens Chinois voulaient vivre en sécurité, ils construisirent la Grande Muraille de Chine et croyaient qu’il n’y avait personne capable de la gravir en raison de sa hauteur. Mais…!
Pendant les cent premières années après la construction de la muraille, la Chine fut envahie trois fois !
Et à chaque fois, les armées ennemies n’avaient pas besoin de percer ou de grimper la muraille… !
Ils payaient simplement le gardien en pots-de-vin et entraient par la porte.
Les Chinois étaient tellement occupés à construire la muraille qu’ils ont oublié de construire le gardien…
Ce qu’il faudra retenir dans cette histoire est que la construction du citoyen de par les valeurs endogènes est le fondement de toute nation.
Toutes ces innovations pertinentes nous font croire que toutes les chances sont là pour réussir le projet de transformation systémique décliné par les nouvelles autorités d’autant plus que la vision en matière d’éducation est claire.
Ces innovations, constituent des changements dans le système et comme dans tous les secteurs le changement en éducation doit être géré avec tact pour avoir une adhésion de tous les acteurs. Sinon on risque d’être dans un cercle vicieux de reformes sans suite. Il y a toujours eu des reformes mais la difficulté était le manque d’adhésion des acteurs à la base surtout les enseignants craie en main qui sont au niveau opérationnel. S’ils ne sont pas convaincus du bien-fondé d’une réforme, celle-ci ne pourra pas donner de résultats. Et la meilleure façon de faire adhérer quelqu’un à une chose c’est de l’emmener à saisir la pertinence et le bien-fondé de celle-ci. Il y a toute une stratégie pour gérer à chaque fois un changement.
En perspective, notre système éducatif adossé sur les Référentiels de Transformation systémique, de la Vision Sénégal 2050, doit placer l’humain au cœur des préoccupations majeures en ce sens qu’aucune nation ne peut se développer sans des ressources humaines de qualité, bien formées sur les valeurs religieuses, sociales et morales à même d’être au service de la nation et de l’Afrique.
En somme, nous pouvons retenir qu’une nouvelle ère s’ouvre pour que notre système éducatif soit plus performant avec des réformes qui nous permettront réellement de réaliser les objectifs fixés pour le secteur de l’éducation. Il prend en compte toutes les innovations nécessaires pour assurer la performance tant souhaitée. Mais pour y arriver, il faut l’adhésion de tous les acteurs sans quoi rien ne peut bouger.
Donc nous lançons un appel à l’endroit de tous pour une synergie d’actions pour la réalisation de la vison de l’État pour le secteur de l’éducation à savoir former à l’horizon 2035, un citoyen bien adossé à son socle endogène de valeurs africaines et spirituelles tout en étant préparé aux défis du développement durable, des sciences et technologies, du numérique et de l’intelligence artificielle. Pour une nation SOUVERAINE, JUSTE ET PROSPERE et ancrée dans des valeurs fortes.

Modibo TRAORE

  • Doctorant en Etudes diplomatiques et Stratégiques au CEDS
  • Titulaire d’un Post-Master(bac+6) en Etudes diplomatiques et stratégiques au CEDS
  • Titulaire d’un Master 2 en Sciences de l’éducation: Administration et gouvernance des établissements d’enseignement à l’Université Numérique Cheikh Hamidou Kane(ex UVS)
  • Titulaire d’un MBA en Administration et Gestion (CESAG)
  • Titulaire d’un Certificat en Administration Scolaire (UGB)
    -Titulaire d’un Certificat d’Aptitude Pédagogique option arabe (CAP)

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