Mme Magatte Mbodji Directrice de l’ANCS : La stigmatisation un frein à la lutte contre le Sida 

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« Confier le leadership aux communautés » C’est le thème du rapport annuel de l’Onusida à l’occasion de la célébration de la journée mondiale de lutte contre le sida édition 2023. Au Sénégal, quand on parle de communauté dans la réponse au vih/sida, les yeux sont rivés sur l’Alliance Nationale de Communautés pour la Santé (ANCS). De par son dynamisme et son engagement auprès des autorités et des communautés, cette Ong a fini de marquer son empreinte dans la réponse communautaire du vih/Sida. Lors de la cérémonie de lancement du rapport de l’Onusida dans les locaux de l’Unesco Dakar, nous avons approché la directrice exécutive de cette organisation Mme Magatte Mbodji qui nous parle du travail important que mènent les communautés depuis plus de quatre décennies.   

Les communautaires jouent un rôle important dans la lutte contre le vih Sida depuis le début de la pandémie mais on se rend compte que leurs données ne sont pas remontées Comment peut-on l’expliquer ?

C’est un problème de système de collecte de données sanitaires  qui n’est pas approprié pour les acteurs communautaires parce que généralement dans tous nos pays, on utilise le DHIS2 pour rassembler les données et malheureusement les acteurs communautaires qui font un excellent travail ne sont pas tous formés et ne peuvent pas tous accéder à cet outil de DHIS2 pour pouvoir remplir eux-mêmes les données. Rares sont les organisations de grande envergure qui l’utilise. A l’Ancs, nous l’avons commencé il y a deux ans. Par contre ce n’est pas le cas dans certains pays de la sous-région, ils n’ont pas encore cette expérience. Pour une meilleure efficacité et une bonne visibilité, nous invitons les communautaires à intégrer leurs données dans le DHIS2. C’est un plaidoyer que nous lançons à toutes les autorités sanitaires pour permettre aux acteurs communautaires de pouvoir capitaliser, documenter et présenter leurs réalisations parce que ce sont ces réalisations qui nous ont effectivement permis d’avoir aujourd’hui ces bons résultats dans la réponse à l’épidémie.

Le point fort des communautaires était la prévention. Est-t-elle toujours une priorité ou bien y’en  a-t-il d’autres ? Ou c’est un problème de moyen ?

C’est vrai ! Avec cette raréfaction des ressources, pratiquement la réponse communautaire en souffre parce que la prévention est reléguée au second plan. Avec l’essentiel des ressources que nous disposons, nous privilégions le traitement parce qu’il faut faire un choix sur les priorités. Lorsque les ressources sont là, nous nous battons avec les autorités pour que l’on sécurise le traitement. Mais quand on sécurise le traitement, il y a peu de ressources pour pouvoir faire la prévention. Même si les ressources destinées à la prévention sont là, une priorisation s’opère et on choisit les cibles les plus exposées. C’est-à-dire commencer d’abord l’intervention auprès des cibles les plus exposées pour ensuite essayer de trouver un reliquat pour les autres

Si on veut atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés, pour l’échéance de 2030,  c’est-à-dire éliminer le vih, aucune cible n’est à négliger. Il faudrait que les mêmes efforts soient consentis envers toutes les cibles et ne pas prioriser  certaines. Parce que chaque cible négligée pourrait nous faire revenir à la station de départ. Donc là aussi, nous aimerions que nos Etats puissent permettre à nos communautés d’accéder aux ressources domestiques parce que la question fondamentale de la pérennisation devrait se faire à partir des financements domestiques. L’inaccessibilité aux ressources domestiques est un grand problème des communautés. Toutes les interventions des communautaires sont tributaires des financements extérieurs. Le jour où les partenaires extérieurs décideront de ne plus engager des fonds dans les pays, c’est sûr que les organisations et les acteurs qui sont dans la réponse ne seront plus performants. C’est important que l’on en parle.

Et pour ce qui est de la stigmatisation ? Est-elle toujours d’actualité ?

La question de la stigmatisation on n’en parle pas suffisamment : c’est un blocage réel. Un blocage socioculturel qui freine l’accès aux soins et aux services. Il y a aussi  la question fondamentale de l’auto-stigmatisation aussi qui se pose. Elle est présente là où on l’attend le moins, c’est-à-dire  dans le milieu hospitalier. C’est vrai certains agents de santé stigmatisent, les parents stigmatisent, la société stigmatise, parce que vivant avec le vih, tu penses que si le gens te regardent ou te posent des questions par rapport au  vih c’est parce qu’ils connaissent ton statut sérologique et du coup, quelques fois c’est la peur qui t’accompagne, c’est la peur qui te freine même à aller te faire traiter. Cette question par rapport à la stigmatisation est une réalité à ne pas négliger dans ce combat.

Nous comptons beaucoup sur la presse parce qu’aussi la presse et les journalistes sont des alliés de taille. Quelques fois, ils peuvent nous aider à combattre quelques réactions négatives qui freinent généralement l’accès aux soins. Le rôle des journalistes est fondamental sur ce que nous voulons atteindre.

Propos recueillis par Mbagnick DIOUF

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